L’INEXORABLE EXPANSION DU WEB MUSICAL FRANCAIS

Dans le bouillonnement des start ups françaises, la musique n’est pas en reste…

La complexité des règles régissant le domaine de la musique n’empêche pas bon nombre de start ups hexagonales de s’y lancer. À tel point qu’une foultitude de services made in France destinés à la pratique ou l’écoute de la musique ont vu le jour ces derniers temps. Petit tour d’horizon non exhaustif.

 

 

Par Patrick Haour

Faut-il le rappeler, la France est l’un des champions du monde du numérique. Le dynamisme des web-entrepreneurs hexagonaux commence à être reconnu, et cela comprend le domaine de la musique. La présence française à la dernière édition du festival South By Southwest, à Austin (Texas), plus visible que jamais, en est le dernier exemple en date.
Dans une industrie qui a toujours été dominée par des acteurs anglo-saxons (des majors du disque aux géants du live en passant par tous les artistes les plus vendeurs), laissant souvent aux latins en général et aux Français en particulier un rôle de suiveurs, quelque chose serait-il en train de changer ? L’enthousiasme et la confiance du panel de jeunes web-entrepreneurs musicaux que nous avons interrogés sont en tout cas révélateurs d’un vrai bouillonnement. Que leurs services concernent le partage de découvertes musicales, la création de vidéos de concerts, les tracklists participatives ou encore l’« augmentation » numérique des partitions, tous sont nés il n’y a guère plus de quelques mois et partent à la conquête du public le casque sur les oreilles et le sourire aux lèvres.

 

Web & musique, un mariage long à consommer

 

On le sait, l’industrie de la musique a toujours eu de gros problèmes à s’entendre avec le monde du web, et la complexité de sa structuration (quel pourcentage des mélomanes dans le monde savent combien d’ayants droits doivent être rémunérés lorsqu’ils écoutent une chanson à la radio, sur un CD ou en streaming?) n’a pas aidé.
La méfiance et la complexité n’ont certes pas disparu, mais à l’heure où on annonce que le streaming de musique génère 1 milliard de dollars à l’échelle mondiale, au moins la discussion est-elle ouverte. « Il semble que l'apaisement soit à l'ordre du jour, confirme Anthony Gongora, patron de Sounderbox. Beaucoup d'initiatives dans le streaming actuellement offrent de futurs revenus pour les ayants droits. » « C'est toujours un work in progress pour trouver le bon équilibre, mais le boulot effectué par des acteurs comme Deezer a été fondamental pour permettre à tous les autres d'exister », ajoute Louis Aubert, co-fondateur de Track.tl.
Bien sûr, en 2014, vouloir lancer un service basé sur la consommation de musique en ligne ne choque plus personne. Du coup, chacun se sentant libre de tenter l’aventure en rêvant d’égaler les succès de Spotify, Deezer ou SoundCloud (entreprises toutes européennes, notera-t-on au passage), il y a foule ! « On ne sait pas si les relations se sont apaisées ou dégradées, en tout cas elles se sont complexifiées de part la multiplication des acteurs », indiquent ainsi Guillaume Jouannet et Arhur Dagard, créateurs d’Evergig.

 

Adieu les intermédiaires

 

Une différence par rapport BLOG39 au siècle précédent est en tout cas claire : on peut aujourd’hui créer un service lié à la musique en contournant les gros détenteurs de catalogues. Parmi nos petits Français, certains, comme Whyd ou Track.tl, s’appuient sur les efforts déjà effectués par leurs aînés (le nom de Deezer revient sans cesse), tandis que d’autres créent un nouveau lien débarrassé de tous intermédiaires, comme le souligne Pierre Ahouilh, co-fondateur de Blitzr : « Les musiciens ont toujours été les grands perdants de l’industrie. Mais aujourd’hui, ils peuvent prendre leur destin en main et s’adresser à leur public sans intermédiaire, et c’est une petite révolution. » « L’avenir est au partage direct de l’artiste au public, c’est une évidence », renchérit Lionel Montillaud, qui a créé Kizym dans ce sens.
Autre façon d’imaginer un service musical : le destiner à ceux qui en jouent ! Si tous les entrepreneurs interrogés ont indiqué être eux-mêmes musiciens amateurs, certains mettent la pratique musicale au cœur de leur activité. C’est le cas de Weezic, inventeur de la « partition augmentée », un « remplaçant digital de la partition papier ».

 

Le web français a la cote

 

On le voit, les idées ne manquent pas. Dans la musique comme dans d’autres domaines de l’univers numérique, l’entrepreneuriat français a toute sa place – d’ailleurs le gouvernement l’a bien compris en mettant en place récemment LaFrenchTech, label doublé d’un dispositif d’aide pour booster le secteur.
« Pour l'accompagnement des start ups, le tissu français est de plus en plus dense et performant, et l'Etat fait des efforts dans ce sens, confirme Nicolas Arbogast, co-fondateur de Weezic. Bref, pas de raison plus qu'ailleurs de se plaindre ni de se trouver des excuses. »
Du coup, surprise dans un pays qui se reconnaît si aisément bougon et défaitiste, nos entrepreneurs s’inscrivent dans ce mouvement d’auto-reconnaissance aussi tardif que salutaire. « Les gens ont envie de soutenir les start ups françaises, explique Tony Hymes, de Whyd. Ce qui aide vraiment pour faire naître un projet. » Enthousiasme renouvelé à l’intérieur, image positive à l’extérieur, un cocktail taillé pour la réussite. « L'avantage d'être basé en France, c'est de bénéficier de la réputation française : qualité et French touch », indique Anthony Gongora. « La France offre des avantages non négligeables. Des aides et exonérations existent, et nous avons surtout d'excellents développeurs et ingénieurs que nous envient beaucoup de pays », poursuit Guillaume Jouannet. Sans oublier, comme le précise Lionel Montillaud, « une réelle défense de la culture et un milieu musical très riche », ce qui ne gâche rien.
Histoire d’équilibrer un peu ce tableau idéal, mentionnons tout de même la difficulté, souvent évoquée, de trouver en France des financement adaptés, autant pour des sommes d’amorçage que lorsqu’il s’agit de lever des millions pour développer une activité bien avancée. Les limites concernent aussi à la taille du marché français ; « quand on lance un produit aux US, on est sur un marché de 300 millions de personnes », rappelle Louis Aubert. Mais qu’à cela ne tienne, tous ces entrepreneurs ne cachent pas leurs prétentions internationales. Et après tout, quel langage est plus universel que la musique ?

 

 

 

>> LES PROTAGONISTES <<

Evergig (search.evergig.com)
Captation vidéo de concerts par les fans, qui peuvent partager leurs vidéos. Un service pro/B2B est également proposé. « De plus en plus de gens filment pendant les concerts, même quand il y a des captations professionnelles, car la valeur n'est pas la même, expliquent Guillaume Jouannet et Arthur Dagard. Les cartes postales n'ont jamais empêché les vacanciers de prendre des photos souvenir. »

 

 

Guillaume Jouannet, co-fondateur d’Evergig

 

Sounderbox (http://sounderbox.com/fr/)
Sonorisation de lieux publics à travers une box connectée aux sites de streaming. Chacun peut ensuite partager ses titres via une appli mobile. Anthony Gongora, CEO : « L'idée est de redonner le goût de la vraie musique aux utilisateurs en les laissant reprendre le contrôle de la musique dans un lieu public. »

 

 

Anthony Gongora, CEO de Sounderbox

 

Kizym (http://www.kizym.com/fr/)
Plate-forme de vente de musique pour les artistes et de partage de musique pour les fans. Lionel Montillaud, co-fondateur : « Les sites comme iTunes sont sont totalement inefficaces pour les artistes et labels indépendants. C’est de ce constat qu’est née l’idée de Kizym (MyZik à l’envers). »

 

 

Lionel Montillaud Philippe Demaret, créateurs de Kizym

 

Track.tl (http://www.tracktl.com)
Élaboration de playlists collaboratives pour sonoriser un événement, les personnes présentes votant pour les titres à diffuser. Louis Aubert, co-fondateur : « En soirée, on se bat toujours pour passer SA musique. On a donc créé un service permettant que tout le monde participe depuis son téléphone (d'ou le nom Track + Battle = Tracktl !) »

 

 

L’équipe de Track.tl: Matthieu Achard, Louis Aubert et Thibault Taupin

 

Weezic (http://weezic.com/fr/)
Édition de « partitions augmentées » numériques, grâce auxquelles un musicien peut être virtuellement accompagné par d’autres instruments. Nicolas Arbogast, co-fondateur : « 250 millions de musiciens amateurs répètent régulièrement la musique seuls, sans personne pour les accompagner ni les encourager. Il était temps de trouver un remplaçant digital pour la partition papier. »

 

 

 Nicolas Arbogast, co-fondateur de Weezic

 

Whyd (http://whyd.com/)
Réseau social musical via lequel les utilisateurs partagent les découvertes et coups de cœurs dégottés sur internet. Tony Hymes, community manager : « Il y a tellement de bonne musique qui sort tous les jours, si on connecte les fans de musique entre eux, ça augmente énormément la qualité des découvertes. »

 

 

L’équipe de Whyd

 

Blitzr (http://www.blitzr.com/)
Centralise les données autour de la musique afin de découvrir, écouter, s’informer et acheter en comparant les prix. Pierre Anouilh, co-fondateur : « Nous ressentions une certaine frustration face aux promesses non tenues des potentialités du web appliquées à la musique. Et le besoin impérieux de réunifier nos vies digitales consacrées à la musique, fragmentées en une multitude de services. »

 

 

L’équipe de Blitzr : Pierre Anouilh (CCO), Betrand Sébenne (CEO), Johan Sébenne (CSO)


Découvrez aussi :
Findspire : découverte de contenu artistique (dont musique).
Niland : outil de recherche et de recommandation de musique par analyse du signal audio.
Phonotonic : utilisation d’objets connectés pour transformer les mouvements en musique.
Traxair : outil de reconnaissance audio pour protection du copyright et gestion des métadonnées.
Snowite : plate-forme de médiation entre ayants droits et éditeurs de services musicaux.

Jukeboard : application mobile permettant la gestion de l'ambiance musicale d'un lieu public.
 

Vous souhaitez ajouter des compléments d'information à ces informations ? Envoyez-les nous en commentaires de l'article ci-dessous, en nous contactant sur le blog, à bientôt sur confliktarts.com ! 

Ecrire un commentaire

Tous les commentaires sont modérés avant d'être publiés

NOS MEILLEURES VENTES