Guide de la condescendance interstyle

"Ma musique est peut-être naze, mais pas autant que la tienne"

Cela fait maintenant plus de 10 ans que je fais de la musique, et j'ai pu apprendre au fil de mes différentes expériences musicales que le monde de la musique était comme une grande famille dont chaque membre détestait plus ou moins chacun de ses cousins. Ayant observé ça de la plus scientifique manière qui soit, j'ai décidé de vous partager aujourd'hui ce qui pourrait s'apparenter à la chaîne alimentaire des styles, car la condescendance musicale est hiérarchisée d'une manière bien précise.

 

Guide de la condescendence interstyle

 

Le musicien classique

 

(Vous en êtes un si : vous êtes bien habillé, vous savez décomposer la neuvième de Dvořák, quand vous parlez de musique, c'est chiant. )

 

Il est de bon ton lorsqu'on est musicien classique de pouvoir considérer n'importe quelle note sortant d'un instrument amplifié comme le plus insupportable des bruits. Champion de l'oreille absolue, pouvant passer des heures à accorder sa porte de frigidaire pour qu'elle puisse enfin claquer en Ré, le premier prix du conservatoire est au plus haut de la pyramide alimentaire de la condescendance musicale, il peut s'attaquer sans crainte à ce bien gros animal qu'est le jazzeux, simple interprète de chansonnettes, là où lui compose des symphonies pour 120 violons...

 

Le jazzeux

 

(Vous en êtes un si : vous savez fredonner Blue Rondo A La Turk sans oublier de croche, vous savez que Louis Armstrong n'est pas un cycliste et qu'il n'a pas marché sur la Lune non plus, vous avez un poster de Blue Note ailleurs que dans vos toilettes. )

 

Avec un bagage technique souvent impressionnant et une culture mélodique à l'épreuve des gammes les plus décatoniques, le jazzeux ne se prend pas souvent pour de la merde. Mais, vexé par le dédain du musicien classique à son égard, il trouve un bouc émissaire parfait dans le praticien de musique Pop-Rock. Grâce à une habileté d'interprétation musicale sans faille, il lancera sans sourciller à l'amateur de Placebo qu'il joue au piano comme un parpaing, de la guitare comme une scie-sauteuse,et soulignera évidemment une force poétique dans les textes des chansons pop-rock rivalisant avec les poésies du Journal de Mickey.

 

Le pop-rocker

 

(Vous en êtes un si : vous avez rencontré les membres de votre groupe en école de commerce, votre bassiste porte une chemise pendant vos concerts, vous trouvez que Calogero a redoré le blason du rock en France)

 

Le musicien se réclamant du fabuleux fourre-tout « pop-rock » a cette faculté de croire pouvoir mixer tous les styles de musique possibles et inimaginables, le tout en casant ses paroles d'amour dans une originale structure intro-couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain. Fort de la diversité de ses sources d'inspiration et de l’éclectisme indéfectible de son répertoire, il ne peut considérer le joueur de reggae que comme un demi-musicien, ne sachant placer sa guitare que sur les deux et les quatre, tout ça pour ne parler que de légalisation de drogue, discours qui ne concerne pas notre petit pop-rocker qui vous dira, en grand rebelle qu'il est, que « la drogue d'abord, c'est comme le rock, c'est pas fait pour être légal ».

 

 

Le joueur de reggae

 

(Vous en êtes un si : vous savez reconnaître un Fattie Fattie riddim d'un Hot Milk riddim, vous avez au moins un accessoire vert-jaune-rouge, et pour vous pas de femmes, pas de pleurs.)

 

Fâché d'être réduit, par un mècheux à chaussures pointues, à un consommateur de ganja ayant choisi de clamer son amour de la weed dans un skank de guitare. Le musicien de reggae déverse toute sa rage, pourtant normalement bien contenue par l'amour de Jah, sur n'importe quel DJ ayant le mauvais goût de pratiquer la musique électronique. Il est évident que pour tout dreadeux qui se respecte, en plus de favoriser la prolifération des centrales nucléaires en demandant toujours plus d'électricité pour ses milliards de machines, de trouer la couche d'ozone en utilisant chaque jour 8 bombes de laques pour faire tenir sa coupe de cheveux structurée-saut-du-lit, le musicien électro n'est rien d'autre qu'un pousse-bouton faisant jouer des robots destinés à détruire le lien sacré entre mère nature et la vibe rastafarienne...

 

 

Le DJ électro

 

(Vous en êtes un si : vous connaissez au moins 3 marques de laques différentes, votre argumentaire est prêt lorsqu'on vous accuse d'être payé pour appuyer sur le bouton « play » de votre platine cd.)

 

Clone de David Guetta ou de Skrillex, le DJ électro considère son style comme le temple de la musique moderne. Seul style où tout ce qui se faisait il y a un quart d'heure est déjà revenu à la mode après avoir été classé has-been pendant 8 bonnes minutes. Il n'a que faire des critiques de musiciens habillés en vert-jaune-rouge de la tête aux pieds, mais s'il y a bien une chose qui l’insupporte, c'est qu'un beauf déguisé en stand de maroquinerie des puces de Clignancourt, vienne gâcher sa musique en posant des phrases de plus de quatre syllabes sur son morceau qui jusque là, se contentait très bien du gimmick « Move Your Body ». L'électronicien déteste le rappeur qui gâchera de sa voix le travail d'orfèvre réalisé sur le son du kick électro, ingénieusement placé sur tous les temps.

 

 

Le rappeur

 

(Vous en êtes un si : vous savez placer « seum », « swagg » et « gova » dans un refrain, vous pensez que 2-Pac n'est pas mort mais que Kamini devrait l'être)

 

Voix d'une jeunesse laissée aux portes du système, le rappeur n'a que faire de gâcher le travail d'un DJ moulé dans son t-shirt à paillettes. Préférant la force des mots, défiant parfois Lacan et Maître Capello dans la création de son propre langage et la grammaire qui y est associée, le rappeur aime travailler son texte et son flow comme personne. Alors lorsqu'il est confronté à son ennemi musical juré ( si l'on en croit les sujets des forums 15-18 ans : « céki le plu for :Rap ou Métal ») lorsqu'il croise, un chevelu rotant des insanités dans un magma de decibels, notre gentil rappeur est alors sujet à la haine la plus vive, identifiant chaque métalleux comme le pire des sataniste-nazi-buveur-de-sang-de-bébé-mort.

 

 

Le métalleux

 

(Vous en êtes un si : vous n'avez aucun t-shirt de couleur dans votre penderie, vous pouvez lire le logo de Sublime Cadaveric Decomposition sans plisser les yeux et vous savez faire la différence entre un gravity-blast et une mosh-part)

 

Quoi qu'on en pense, le métal est une musique pratiquée par de vrais passionnés qui allient souvent une grande technicité à une capacité inouïe d'ingestion d'alcool en tout genre. Et malgré son look agressif et sa musique violente, le métalleux accepte parfaitement la critique du rappeur, en lui adressant un simple et flegmatique « Beeeuuuargh ta mère suce des bites en enfer ». Fort de cette répartie sans faille, le métalleux se targue aussi d'être techniquement à dix milles lieues du punk, qui ne sait même pas jouer de double pédale, qui ne sait même pas faire de shredding à 260 BPM, qui n'a pas assez d'argent pour jouer sur un triple corps, et qui, pour finir, n'a jamais appris à se laver.

 

 

Le punk

 

(Vous en êtes un si : vous ne vous rappelez plus de la marque de votre guitare mais vous connaissez toutes les chansons des Bérus par coeur, votre chien s'appelle « caps » ou « beuz »)

 

Qu'importe le jugement porté par ce vile cousin aux bottes cloutées et aux longs cheveux lissés, qu'importe l'hygiène, la justesse des guitares et la technique du chant, quand on est un punk, on est engagé dans un combat et seule la diffusion de l'anarchie compte. Alors le punk, il ne se limite pas à un seul ennemi musical quand il peut tous les avoir, non le punk ne se limite pas puisque pour lui, du métal au classique et du jazz au reggae, tous les autres musiciens font LA MEME MERDE COMMERCIALE.

 

 

N'hésitez surtout pas à faire preuve d'objectivité dans les commentaires de cet article, et expliquez-nous pourquoi la musique des autres est moins bien que la votre. :)

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